/!\ Attention, photos chocs /!\
Samedi 2 novembre 2013...Après avoir passé une matinée avec F. à nous occuper de son cheval, J. et moi sommes allées voir nos deux loulous, Adagio et Zaccharie.
F. était avec nous, on papotait gentiment, de trucs dont je ne me souviens même plus... mais certainement des discussions très légères, limites futiles, comme on en raffole entre cavalières
J. et moi n'avions même pas forcément envie de voir nos chevaux : le vent, le froid, le ciel menaçant qui commençait à laisser filtrer quelques gouttes, mon fils de 9 mois et quelques qui était gardé par le copain de F.... Bref, tout pour me donner envie de couper court à cette matinée ! Et on s'est dit qu'affronter la pluie et le froid pour une petite carotte, c'était pas non plus "dramatique".
Heureusement qu'on s'est un peu bougé ce jour-là...
En nous entendant de loin, Adagio est venu au trot vers J., malgré la boue glissante dont il a pourtant horreur. On s'est gentiment moqué de lui car il semblait très déterminé à nous rejoindre le plus vite possible, mais il se cassait la bobine dès qu'il accélérait.
Mais déjà, à quelques mètres, on le sentait très tendu. D'ordinaire, il fallait l'appeler 5 ou 6 fois pour qu'il daigne se déplacer au pas. Et là, il se précipitait vers nous... J. a pensé sur le coup qu'il avait senti les carottes qui étaient fraîches, avec une odeur particulièrement forte. Il s'est arrêté devant elle, un peu nerveux. Elle lui a donné la carotte mais il l'a mangé mais comme pour s'en débarrasser, sans savourer, et n'en a réclamé aucune autre. Il n'était clairement pas dans son état normal, trop impatient... pas en sécurité...
... Et là, on se rend compte que Zach ne le suit pas...
...
D'habitude, il est toujours à la traîne mais il arrive.
F. descend dans le contrebas du pré pendant que J. et moi nous nous dirigeons vers le fond.
"Je ne le vois pas ici !" nous crie F.
Et nous non plus alors qu'on n'est plus qu'à 40 mètres du fond du pré.
Je sens une boule naître au creux de mon ventre et je regarde instinctivement la clôture un peu plus loin. Je remarque alors que le piquet en fer est cassé... Je lève les yeux pour regarder un peu plus loin et là, à 80 mètres hors du pré, je vois une masse noire étendue de tout son long, inerte. Je murmure à J. d'une voix blanche : "Putain... Zach est là-bas..."
Elle suit mon regard et lâche à son tour un "Oh putain... F. ! On a trouvé Zach !" (discours très relevé et délicat, mais le choc visuel était très violent, car Zaccharie était inerte au milieu d'un champ non clôturé).
Je dois être aussi pâle qu'un mort à cet instant-là et je réduis l'allure... J'ai peur... j'ai peur de le retrouver, de le toucher et de le sentir raide et froid...
J. me connaît par coeur... Dix ans qu'on est amies, elle sait très bien que je n'aurai pas le courage d'être la première à aller le voir... Alors malgré ces craintes partagées, elle me devance et se dirige vers lui. À ce moment précis, elle comme moi pensons qu'il est mort...
Mais alors qu'elle n'est plus qu'à 5 mètres de lui, Zach lève la tête et je sens cette fois-ci une boule d'émotion gonfler dans ma gorge... Les larmes refoulées, le soulagement et la peur mêlés, sans doute.
J'accours et on constate que Zach est complètement éteint, absent. F. qui, aux paroles de J., pensait que tout allait bien, remontait la pente du pré sans avoir vu ce qui se passait. Elle s'attendait à une bonne nouvelle, mais en nous voyant nous précipiter hors du pré, elle a vite senti le malaise.
Comme on venait juste donner des carottes, on n'avait rien sur nous. Laissé derrière nous, Adagio hennissait et piétinait le sol sans oser franchir la clôture de barbelés étendue à terre. Il allait et venait, hystérique, inquiet...
Décidant de remonter jusqu'à l'écurie pour prendre des licols, J. libère son cheval au passage et il nous a rejoint au trot. Nul besoin de l'attacher ou de craindre qu'il s'échappe ; il était trop angoissé pour "son" poulain. Il est donc resté à nos côtés bien sagement et 5 minutes plus tard, J. est revenue avec la voiture... du moins aussi près que possible dans le chemin de terre détrempé qui menaçait de l'embourber.
Elle a ramené les licols et F. s'est chargée de prendre une couverture pour couvrir Zaccharie le temps qu'on appelle un vétérinaire.
Pendant tout ce temps, je tenais la tête de Zach en lui parlant doucement...
Avant cet accident, je me doutais plus ou moins que j'aimais ce poulain. Mais entre le débourrage de ma jument et le fait qu'il n'arrêtait pas de me "ruiner" en petits bobos paralysants depuis que je l'avais, j'avais l'impression de ne pas être attachée à lui.
En le voyant dans cet état, je me suis rendue compte d'un coup très "brutal" que je l'aimais... Et je me suis totalement ouverte à lui à ce moment-là. Je me suis confondue en excuses et je lui ai répété cent fois qu'il était beau, qu'il était fort, que je l'aimais, que j'étais désolée. De quoi ? Je ne sais pas trop moi-même... Peut-être de ne pas avoir été plus juste avec lui ? Plus présente pour lui ?
Les vétérinaires ont une fois de plus été déplorables, et le gérant de la pension demeurait injoignable (il ne serait pas venu à la pension avant 16h... or il était 11h quand on avait retrouvé Zach ! Qui sait ce qui aurait pu se passer si on n'avait pas été donner cette fichue carotte ?!).
J'étais trop retournée pour parler au téléphone, c'est donc F. et J. qui ont pris les devants et qui ont tenté de joindre les 3 meilleurs vétérinaires du coin.
1/ Le premier, le meilleur vétérinaire équin de la région, se trouvait au Luxembourg à ce moment-là, donc il était impossible pour lui de venir dans l'urgence. Il lui fallait compter au moins 2 heures avant d'arriver jusqu'à notre pension.
2/Ensuite, le deuxième qui voulait des MMS pour juger de l'urgence, nous a conseillé en attendant de jeter un seau d'eau froide sur la tête du cheval : un cheval normal se lève à cette sensation (non mais on ne vient pas de la même planète je crois !!!).
3/ Et le dernier, c'était une clinique qui comporte 7 vétérinaires dont 3 ruraux. Ils ont accepté de nous prendre en urgence SEULEMENT parce que Zaccharie était déjà enregistré chez eux. Ils ont été jusqu'à vérifier leur BASE DE DONNÉES, en nous disant clairement qu'un animal non enregistré chez eux, même en cas d'urgence, ne serait PAS pris en charge.
J. et F. ont vraiment dû insister pour que la standardiste joigne le vétérinaire qui était en tournée dans la campagne. Temps d'attente estimé à moins d'une heure...
Finalement, nous avons attendu 1h30 sous un ciel menaçant, entre crachin, rafales et pluies... On voyait clairement que le postérieur droit était blessé... En voulant lever sa jambe, J. a senti son doigt glisser dans la chair...
"Sarah, je ne veux pas te faire peur mais ça a l'air sérieux... C'est même plutôt mauvais..."
Puisque je tenais la tête de Zach et que je le couvrais d'éloges, d'amour et d'encouragements, je ne pouvais pas aller juger la plaie, et finalement ce n'était pas plus mal... mais j'étais très pessimiste et je craignais le pire quant au verdict vétérinaire : l'euthanasie...
J. et F. retourne au pré pour voir la clôture défoncée et prennent des photos...
Entre autre, celle-ci :
L'abreuvoir plein du sang de Zach...
Au bout d'une heure et demie, mon poulain a cherché à se relever... Comme Kitsu me disait que la blessure était profonde et grave, j'ai tenté de l'en empêcher une bonne dizaine de fois. À la onzième, il a réussi à forcer mon barrage et s'est levé. Alors j'ai vu la plaie béante...
F. et moi avons décidé de le ramener à l'écurie avec Adagio. Elle a tenu Ada et moi Zach. Le pauvre a fait le chemin à son rythme... Mais pendant le chemin, il a réussi à faire un pipi et un crottin. Le transit était bon... c'était déjà ça !
Il boitait fort mais posait le pied. Encore une fois, Adagio a été exemplaire et se retournait plusieurs fois pour vérifier qu'il ne distançait pas son petit protégé. Au bout des 800 mètres à parcourir, on arrive à la pension...
Le vétérinaire, désembourbé mais toujours aussi antipathique, a fini par nous rejoindre et en voyant la blessure, il était très clairement "affolé", pessimiste anéanti... Réaction très rassurante !
Malgré les urgences de son planning, il a pris son temps pour Zach. Impossible de suturer, il n'y a plus de peau, plus de chair...
2 mois de box ferme, à prolonger selon l'avancée de la cicatrisation... Mais rien de plus ! Juste des anti-inflammatoires, des antibiotiques et de vagues recommandations : "Nettoyez la plaie tous les jours et mettez de Cot*ivet !"
Pauvre Zach... Il est resté d'une gentillesse inégalable pour les soins, il s'est montré coopérant pour prendre ses médicaments par voie orale, et n'a jamais tenté de botter quand on devait toucher sa plaie afin d'y déloger la paille souillée... Mais la cicatrisation était très moche...
Au bout de quinze jours, en voyant la peau bourgeonnante et la plaie toujours sale, je décide d'appeler W., alias "SuperVéto".
Ce vétérinaire sera le seul à prendre au sérieux mes ambitions et mon projet d'emmener Zaccharie à Lanaken, en 2015, pour passer les premières épreuves d'approbation comme étalon au studbook Zangersheide.
Mardi 19 novembre 2013SuperVéto arrive... et est atterré de voir que rien de bien n'a été fait du côté de la clinique vétérinaire. Il reste très correct devant moi mais on sent clairement qu'il est dépassé par l'incompétence notoire de ces vétérinaires.
Vétérinaire équin à son propre compte, il me dit que le B-A-BA aurait été de raser la jambe, nettoyer la plaie et faire un pansement...
...ce qu'il entreprend de faire.
Une petite piqûre pour que Zaccharie s'envole au pays des Bisounours et au bout de 40 minutes d'opération, à raser la jambe puis ôter toutes les chairs mortes de la plaie (plusieurs lambeaux d'une quinzaine de centimètres !), nous avons un poulain avec une chaussette :
Pansement à renouveler toutes les semaines... En attendant, box strict. Zaccharie reprend des forces tout doucement